Désiré Sankara, un nom à remarquer
Comme son nom l’indique, cet auteur compositeur est burkinabè. Et il fait bien partie de la famille de Thomas Sankara, président du Burkina Faso assassiné en 1987, qui était son cousin. Pas à la mode africaine, non, mais son cousin germain, puisque son père à lui, un ancien instituteur, «est le petit frère du papa de Thomas».
Voilà pour les présentations. L’héritage est un peu lourd à porter. Il voudrait ne pas trop s’étendre là-dessus, mais il assume. Ce Sankara a beau porter un nom des plus célèbres à travers l’Afrique, lui-même n’est pas encore reconnu. En quête d’un label pour sortir un premier disque, il en impose pourtant, avec un talent évident, sur les scènes parisiennes du Limonaire, du Saraaba, de l’Ogresse ou l’Olympic Café.
Il gratte sa guitare et chante en mooré, parvenant à émouvoir le public même sans sous-titres. Son dada: les rythmes traditionnels burkinabè, qu’il revisite allègrement. Fan d’Abdoulaye Cissé et Georges Ouédraogo, deux musiciens de sa patrie, il est aussi influencé par Richard Bona, Lokua Kanza et Ismaël Lo.
Il a bien pensé, à un moment, prendre un nom de scène comme Dim Delobsom, en hommage à un écrivain burkinabè méconnu et qu’il admire. Un nom qui lui aurait permis de ne pas être pris pour Thomas, après les concerts. Certains lui donnent du «mon président» jusqu’aux bouches de métro, à Paris. Des gêneurs à qui il est obligé de dire: «Repos!» pour qu’ils le laissent tranquille…
Il a signé la musique du film Paris mon paradis, d’Eléonore Yaméogo, et fait sien le titre du film.
«J’aime la France», dit-il. C’est le pays de sa femme, mais aussi des amis avec lesquels il forme un quartet. Bien plus que le pays de Claude Guéant – qui tient des «propos insensés», dit-il. De cet esprit positif, il ne faut pas attendre trop de lamentations.
Ce Burkinabè n’a rien d’ordinaire. D’abord, il ne mange pas de viande. Pas par conviction, mais par compassion pour les petits moutons qu’il a vu défiler chez lui, petit, à Ouagadougou. Ses souvenirs d’enfant le hantent, comme ces séjours à Kaya, le village de sa mère, en pays mossi. Il se souvient de ses cousins qui marchaient pieds nus, mais qui étaient «tellement plus heureux que nous, qui étions de Ouaga». Il se rappelle un univers de danses de femmes où il était à son aise.
C’est au village qu’il s’est pris de passion pour le Burkina d’avant, «le Burkina d’il y a cent ans». Le Burkina tel que le racontait Dim Delobsom dans l’un de ses livres, Les secrets des sorciers noirs. Un royaume mossi d’avant la colonisation où «la démocratie existait et où les femmes avaient leurs droits», rappelle Désiré Sankara, qui porte à sa manière la mémoire du défunt cousin.
Au Limonaire, à Paris, les 28 et 29 mars prochains.
Slate Afrique
Extrait de l’article : http://www.slateafrique.com/616247/desire-sankara-un-nom-a-remarquer